vendredi 5 janvier 2018

Feedback 6

Atlanta: 12 novembre 2017

Je n'aime pas les aéroports. Lieux où tout est impersonnel, aseptisé,  où chacun  ne  frôle que des vitrines le luxe, lieux où l'argent est roi mais où tout est froid. Le futur touriste en partance vers son lieu de rêve croise l'homme d'affaire “important”, celui du Petit Prince dans le livre de Saint-Exupéry”. Un aéroport c'est une ruche, plutôt une fourmilière où tout le monde s'entasse, se bouscule et s'ignore.

Ces aéroports dans notre belle société moderne n’ont jamais été pensés dans des espaces ad hoc, le résultat est toujours un engorgement malgré les extensions successives,un “concentré anarchique” de l'esprit grégaire humain.

L'homme si intelligent soit-il ne sait toujours pas prévoir l'avenir et sa vision à court terme projette bien mal des infrastructures qui mériteraient de l'espace et de l'intelligence.

Il m'est arrivé de fouler nombre de ces aéroports dans les grandes villes du monde et mon impression est toujours la même: des kilomètres de couloir, des bus où l'on est chahuté, des valises à roulettes qui transportent  bruyamment l’angoisse des voyageurs, des escaliers roulants, des jingles vocaux trop sirupeux….

L'aéroport d'Atlanta est conforme à ces standards, à la nuance près qu'il s'est développé dans un espace gigantesque. Le résultat est magistral.

L'espace et la largeur permettent de respirer et tout devient supportable. Le déplacement entre chaque aérogare se fait par le métro propre à l'aéroport. Le robot pilote donc des dizaines de milliers de personnes qui se croisent donc avec facilité et fluidité, c'est impressionnant.

C'est tellement grand et bien pensé que tu as l'impression d'être seul. Paradoxal.



Biorhythm:

Manger des cerises en novembre, déguster les premières asperges en décembre, dévorer des abricots, trouver des tomates mûres à exploser, chercher l'ombre au nord, descendre au sud et avoir froid, vivre le jour le plus long de l'année le 21 décembre et subir des pluies torrentielles, regarder l'eau de l’évier s'écouler dans un autre sens….Avons-nous aussi la tête en bas ?

Nous sommes au Chili, en Amérique de sud depuis plus d'un mois maintenant. Notre voyage vélo se déroule à vitesse lente, nous vivons la majeure partie du temps dehors, cherchant mangeant des choses simples, fraiches. Nous soumettons nos organismes à de rudes et longs efforts…

Alors curieusement notre rythme profond souffre et cherche des repères qui ne fonctionnent pas. Il ne s'agit pour nous  pas d’une adaptation momentanée mais d’un vrai bouleversement biologique. 60 ans à vivre dans un même sens et puis tout est à l'envers.  Paradoxal !!


Le mur: Vichuquén, Licantén

Notre journée de vélo ce jour là était conforme à beaucoup d'autres. Belle au bord des marais salants, longue aux milieux des forêts d‘eucalyptus et bien ensoleillée. Nous venions de vivre avec aisance notre première expérience de ripio. Longs kilomètres sur une route en préparation: gros graviers tassés à la machine… vraiment pas facile de rouler dessus. En projection nos 15 prochains km sur asphalte semblaient faciles.

Nous arrivons donc dans un tout petit village au nom de Vichuquén. Tranquilles, nous continuons notre chemin pour aller à Licantén. Très rapidement une côte d'un autre monde se dresse face à nous. Un mauvais mal de ventre  me prend, Claude prend donc une belle longueur d'avance. Repartant sans jambes, pas gaillard, je pousse mon vélo. 10, 11, 12, 13, 15% et plus s'enchaînent au point que même à l'arrêt, freins bloqués, je ne récupère pas. Le vélo semble peser une tonne. Impossible de sortir de cet enfer, les mètres gagnés à chaque tour de roues me font douter de tout. Ne voyant pas Claude,  je pense qu'elle pousse aussi, manifestement elle est plus battante.

Alors je peste, je jure et me maudis ne voyant pas l'issue.

C'est alors qu’un pickup s'arrête  à mon niveau et me propose spontanément de l'aide. Le jeune homme qui m'interpelle parle français. Je charge mon vélo et mes sacoches à l'arrière du pickup et nous partons rejoindre Claude.

Deuxième stop, nous chargeons son vélo. L'espace sur la plateforme arrière est réduit, je cramponne les vélos autant que je m’agrippe car la plaque arrière du véhicule reste ouverte.

S'ensuivent 13 km sur une route de montagne, avec des épingles d'un pourcentage dément et me voilà espérant à chaque virage que cela s'arrête. Un véritable mur.

Peur de basculer malgré une conduite prudente car je me tiens sur le côté, peur que les vélos ou les sacoches ne glissent.

Ces jeunes gens allaient  chercher de l'essence à Lichuquén. Cyclistes, connaissant parfaitement le coin, ils n'ont pas hésité à nous embarquer. Et pour cause...Le soir en lisant les informations de nos compteurs, Claude avait grimpé 150 m de dénivelé de plus sur un kilomètre !

Si le service était vraiment appréciable face au mur que nous avons traversé, je n'en ai pas moins été quitte pour un gros stress.

À la descente du pickup j'étais tellement crispé que je mettrai 20 minutes à récupérer.

Fatigué de faire de la voiture….paradoxal !!

3 commentaires:

  1. très interessants tes petits feedbacks, réflexions après coups qui donnent, bien muries. Amitiés

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  2. Reprise :très interessants tes petits feedbacks, réflexions après coups qui donnent à réfléchir, bien muries. Amitiés

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  3. Tu as bien récupéré depuis, pour évoquer les faits de si belle manière!
    Que représentent 20 minutes comparées à une année entière de grand raid?

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